samedi 20 juin 2009

le roi "tient journée"




Après être passé par Mont de Marsan, le roi loge dans le bourg fortifié de Meilhan tenu par le comte de Foix , le camp de son armée étant installé aux abords du village . Dès le lendemain, les troupes se rendent sur la lande de Tartas par les chemins longeant la Midouze.

« Et avec ledit connestable faisoient l’avant-garde, c’est assavoir le seigneur de Lohiac ( André de Laval) et de Jaloingnes (Philippe de Culant) le seigneur de Cotigni, admiral de France, le seigneur de Villierss, le seigneur de Montgascon, le seigneur de Saint Priach, le seigneur de Calenton, le seigneur de Saint Vallier, le seigneur de Baudemont »
et autres capitaines et vieux routiers de guerre comme
« La Hire, Pothon de Xaintrailles, Anthoine de Chabennes Olivier de Cotigny, le seigneur de Blanville et son frère messire Robert,Blanchefort, Pennesach, Floquet, Joachim Rohault, Pierre Renauld, Mathelin de Lescouan, Dimenche de Court et moult d’aultres nobles hommes de grand renom »

Arrivées en vue de la ville haute et sachant que les Anglais ne seraient pas au rendez vous les troupes ne se mettent cependant pas en ordre de bataille, « excepté chacun par soy ».

Nous sommes le Samedi 23 juin 1442, « vespre » de la Saint Jean Baptiste (vespre ou vigile étant la veille d'une fête religieuse importante )

« Et y fut depuis le matin jusques entre X et XI heures devant nonne ».
( None étant la neuvième heure canoniale du jour, la première heure Prime étant à six heures du matin; cela pourrait correspondre à 23 heures solaires de l’époque )
Le roi est accompagné en cette journée du dauphin son fils, le futur Louis XI, de Charles d’Anjou, du comte du Maine, du connétable Arthur de Richemont, des comtes d’ Eu, de la Marche ( Bernard, frère du comte Jean IV d’Armagnac, et conseiller du roi) , de Foix, de Comminges, de Castres et de Perdriac (frère du comte d’Armagnac), le vicomte de Lomagne ( fils aîné du comte d’Armagnac), des seigneurs d’Albret que sont le vicomte de Tartas et son frère le sire d’Orval, vaillant capitaine qui a jadis combattu sous les ordres de l’ aventurier Rodrigo de Villandrando.

Sont également présents, les seigneurs de Tancarville, de Montgascon, fils aîné du comte de Boulogne et d’Auvergne, Philippe de Culant, amiral de France, et une infinité de belle noblesse puisque derrière le souverain et les grands seigneurs se tenaient « plus de sept a six vingt barrons et bannières et toutes ces gens en bataille en moult belle ordonnance et en grands habillements de chevaux et de harnois couverts de soye et d’orfevrerie » ( hérault Berry - édition de 1654 sous le nom d’Alain Chartier)

Autant de seigneurs, nobles, capitaines et vieux routiers, « fleur de droites gens d’armes » accourus à l’appel de Tartas.

Point de troupe anglaise au rendez-vous. Seule une escarmouche est signalée à l’est de la ville. Point de bataille. La journée de Tartas ne sera finalement qu’une opération de prestige pour Charles VII "le Victorieux", et le début de la fin de la guerre de Cent Ans qui s’achèvera non loin de là par la bataille de Castillon livrée le 17 juillet 1453.

Le connétable Arthur de Richemont se présente alors devant la porte de la ville. Viennent au devant de lui le seigneur de Cauna et Augerot de Saint Per (Pée), accompagnés de Charles d’Albret leur otage, pour remettre les clés de la ville.

Alors qu’Augerot de Saint Per reste fidèle au parti anglais ( il est même un des conseillers du roi à Bordeaux) et se réfugie à Dax, le seigneur de Cauna s’empresse de faire serment de fidélité au roi de France.

Charles d’Albret peut alors faire son entrée dans sa ville redevenue française .


Le roi se retire chez le seigneur de Cauna, en son château, à deux lieues de Tartas, où il loge le jour de la Saint Jean et le lendemain. Gaston de Foix l’accompagne, alors que le Connétable de Richemont va loger à Souprosse.


le donjon de Cauna (évocaton)

adoubement de Louis de Cauna par Charles VII

Adoubement par Charles VII du chevalier Louis de Marsan de Cauna, gouverneur de Tartas pour le roi d'Angleterre duc d'Aquitaine, qui vient de lui remettre les clés de la ville et jurer d'être désormais francais.

Le lundi matin l’armée se met en mouvement pour rejoindre et assiéger Saint- Sever avant d’y donner l’assaut le Mercredi. Le sénéchal Thomas Rampston y est capturé au combat. Puis c’est au tour de Dax d’être assiégée pendant plusieurs semaines avant d’être assaillie par le Dauphin et occupée le 2 août. Le jeune Gaston IV comte de Foix s’y serait distingué et fait chevalier sur la brèche par Charles VII

La prise de Saint-Sever
(extrait des Vigiles du roi Charles VII)

Le 29 août à Nérac, le connétable de Richemont, veuf depuis peu, épouse Jeanne d’Albret, fille de Charles d’Albret au secours duquel on est venu.

Le roi poursuit sa reconquête fragile de l’Aquitaine. 

L’armée monte sur le Condommois et l’Agenais et enfin La Réole qui se rend le 8 décembre. C’est la fin de cette campagne de 1442.

L’hiver précoce et rigoureux, la disette et la maladie frappant ses gens, obligent le roi à la retraite. Le 23 décembre il part prendre ses quartiers à MONTAUBAN où il reste bloqué jusqu’à la fin février 1443, laissant l’armée sous les ordres du connétable.

Le vieux compagnon de Jeanne d’Arc, LA HIRE, très éprouvé par cette campagne, tombe malade au château comtal de Montauban que l’on appelle alors CASTEL REAL. Son état s’aggrave rapidement et son épitaphe, aujourd’hui disparue, portait « qu’il trépassa le onzième jour de janvier de l’an 1443 »

La Hire

Après la prise de Dax, le comte de Foix, lieutenant du roi en Gascogne chargé de la garde et administration du pays, convoqua, sur ordre du Roi, une réunion des Etats de la sénéchaussée des Lannes pour obtenir des habitants leur consentement à l'incorporation de leur province au royaume de France. Ces états s'assemblèerent à Saint Loubouer le 11 mai 1443. 
Les habitants durent jurer fidélité et obéissance, s'armer pour la défense du pays et la garde des frontières, veiller à la répression du brigandage, (sauf que les barons et seigneurs firent savoir qu'ils n'avaient ni argent , ni vivres, ni chevaux, et demandèrent  à être dispenses de la garde); d'observer les traités et ne pas en conclure de particuliers, ne pas fournir de vivres aux anglais.... Le comte de Foix assurait aide et assistance pour la sécurité et défense du pays . Un sénéchal, Bernard de Béarn, nommé par provision de Charles VII le 9 janvier 1443, fut même installé. 

Mais déjà Dax avait été reprise par les gascons restés fidèles au parti anglais, tels Per-Arnaud de Saint Cricq, Louis d'Aspremont seigneur d'Orthe, et le seigneur François de Gramont. Après un raid de nuit, la ville fut prise dès le 24 août avec le soutien de la population locale. Le capitaine français, Arnaut-Guilhem de Vergoignan, écuyer du comte Jean IV d'Armagnac,et trente hommes d'armes de sa garnison, furent faits prisonniers après l'assaut du château le 27 août 1442.

"Pendant ce temps dessus dit, les Anglos se assamblèrent ung certain jour, et, par moyens qu'ils avoient, reprinrent la cité d'Acques en Gascogne sur les François ... Duquel le roy de France fut très-mal content, pour ce qu'il avoit perdu si en haste et par malvaisx soing ycelle cité, que assès largement avoit cousté au conquerre" ( Chronique d'Enguerran d Monstrelet)

La ville ne capitulera définitivement qu'en juin 1451 après quelques semaines de siège par les troupes de Charles II d 'Albret et Gaston de Foix.

une entrée du comte de Foix dans une ville conquise (ici, à Libourne)

Voir les récits de la chronique de Guillaume Le Seur sur l'Histoire de Gaston, comte de Foix publiée par Henri Courteault pour la Société de l'histoire de France -Paris 1893- qui évoque en détail le siège et la prise de Dax en aout 1442 (p. 1 et ss), le second siège et la prise de Saint-Sever en octobre 1442 (p.24 et ss), et la prise définitive de Dax en juin 1451 (p.106 et ss).

Un autre récit de la prise de Saint-Sever en juin 1442

Jean de Wavrin – Recueil des croniques et anchiennes istories de la Grant Bretaigne – manuscrit BNF

Aprez que le roy Charles de France eut ainsi mis en son obeissance la ville de Tartas, luy et son armée sen allerent devant Saint Severe, ou tout le plat pays sestoit retrait, et y avoit chincq fermetez dont les deux premieres furent prestement prinses par les gens du dauphin, ou ils se logerent, et peu de jours aprez prindrent les gens du roy la troizieme ; puis fut commande par le roy quon assaillist la quatrieme ; auquel assault les Anglois firent de grans resistences et y eut moult belles apartises darmes faites tant dune partie comme dautres ; mais ceste deffence leur fut de petite valleur, car ilz furent reboutez et moult vigoureusement poursievis jusques a la porte du maistre chastel, lequel sans commandement ne ordonnance du roy fut assaillis tres vivement par les Francois ; et dura ce darrain assault environ de trois a quatre heures moult terrible et merveilleux, si furent en la fin ceulz de lains concquis par le coste que faisoit assaillir le connestable de France, et y furent mors promtement environ neuf cens des assieges et prins Guillame de Rameston, avec luy aulcuns autres nobles en petit nombre ; et y eut des Francois mors environ trante.

 Un autre récit de la prise de Dax en août 1442

Jean de Wavrin – Recueil des croniques et anchiennes istories de la Grant Bretaigne – manuscrit BNF

Aprez la prinse de cette ville de Saint Severe et que le roy y eut ses gens rafreschy douze jours il s’en alla mettre le siege devant la ville dAcques, ou il fut bien chincq semaines, car devant lune des portes y avoit ung moult fort bolewert, lequel aprez quil eut este durement batu de gros engiens du roy avec aulcuns quartiers des murs de la ville abatus, fut assailly bien lespace de chincq grosses heures continueles tres asprement prins par force environ jour faillant, si y furent mors dix ou douze Anglois et plusieurs Francois navrez. Aprez laquele prinse on fist retraire toutes manieres de gens de par le roy pour eulz reposer, excepte ceulz quy furent commis a la garde dudit bollewert ; et le lendemain matin ceulz de la ville doubtans quon ne leur livrast nouvel assault se rendirent tous a voullente, excepte le seigneur de Montferrant quy la estoit capitaine, et Augerot de Saint Per, lesquelz sen allerent le baston au poing, at avec ce promist ledit seigneur de Montferrant de rendre et mettre en la main deux forteresses quil avoit aupre de Bordeaux ; pour sceurete de laquele chose bailla son filz en hostage quy demoura prisonnier tres long tempz par ce que celluy seigneur de Montferrant pour ce lqul ne voullot mie adcomplir ce que promis avoit.

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La journée de Tartas occupe une large place dans la chronique du connétable Arthur de Richemont. Elle est également évoquée par les chroniques de Berry et de Monstrelet. Si tous sont en accord sur l'ensemble général des faits, il existe quelques légères différences de dates sur les mouvements de l'armée française autour de la place.

Tandis que Richemont précise que le roi se trouva au jour dit de la Saint-Jean devant Tartas, Gruel indique qu'il s'y rendit une journée plus tôt , le samedi, veille de la St Jean. Et, tandis que Berry prétend que l'armée leva le camp de lendemain de la reddition, le dimanche, Gruel dit qu'elle attendit le lundi pour déloger.
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